Treilles et Terrasses

Mener un programme de recherche-action face au changement climatique

Pour pouvoir cultiver les vallées escarpées peu propices à une agriculture standardisée, les paysans cévenols ont bâti des terrasses en pierres sèches permettant de retenir le sol, d’aplanir leurs terres et de les épierrer, de gérer l’eau trop abondante l’automne et manquante l’été. Ils y ont mis en place un système de polyculture élevage très diversifié, assurant ainsi leur autonomie : vergers de châtaigniers et autres fruitiers, élevage de petits ruminants, apiculture, maraîchage, seigle, osier… Près des mas, pour le vin domestique les cévenols faisaient pousser en treille de la vigne hybride résistante, lui laissant exprimer sa vigueur et permettant de cultiver dessous des pommes de terre par exemple. Ainsi, l’espace cultivable étant réduit, il était rationnalisé et aménagé pour intensifier la production, nécessitant beaucoup de main d’œuvre et des ressources locales comme le bois de châtaignier. Dès lors, face au modèle agro-industriel soutenu en France à partir des années 50 incompatible avec l’agriculture en Cévennes, les terrasses ont été peu à peu abandonnées malgré leur intérêt paysager.

Pourtant, leur entretien peut encore s’avérer rentable dans le cadre d’une agriculture à haute valeur ajoutée comme dans le pays viganais où a été encouragé l’oignon doux des Cévennes cultivé en terrasses, le modèle de la monoculture révélant néanmoins quelques limites. C’est pourquoi en s’inspirant de cette initiative et en prenant en compte les projections climatiques et les principes de l’agroécologie, le Syndicat des Hautes Vallées Cévenoles propose un projet un projet de recherche action intitulé « Treilles et Terrasses ». Celui-ci se décline en deux axes : de l’expérimentation agronomique sur des sites pilotes en agroforesterie où la treille joue le rôle d’arbre associée à des cultures maraîchères, et de l’animation d’un réseau d’agriculteurs et de vignerons cultivant des treilles.

Pour la partie expérimentale, l’étude prévoit sur plusieurs années d’évaluer si la treille de vigne résistante aux maladies peut être un moyen d’adaptation efficace face au changement climatique en apportant de l’ombrage aux cultures en-dessous sans les concurrencer sur l’accès à l’eau, au soleil et aux nutriments. Un des objectifs du projet est de produire des données fiables permettant d’analyser la pertinence économique et agroécologique de ces vins en vue d’obtenir une dérogation à titre expérimental de l’interdiction de commercialisation de ces cépages.

Pour la partie animation, les personnes entretenant les sites pilotes seront associées aux autres membres du réseau qui entretiennent des treilles sur le territoire, qu’elles s’intéressent au maraîchage en agroforesterie ou à la viti-viniculture, afin de favoriser le partage de connaissances et compétences autour de ces pratiques par des journées d’échanges, des chantiers collectifs, de la mutualisation d’outils… en soutien à la dynamique locale d’installation agricole.

Pour mener ce projet, le Syndicat des Hautes Vallées Cévenoles collabore avec Fruits Oubliés Réseau et l’IGP Vin des Cévennes sur le volet cépages résistants voire interdits, les Artisans Bâtisseurs en Pierres Sèches et l’Alliance internationale des paysages en terrasses sur le volet pierres sèches, Agroof sur le volet agroforesterie. Pour l’instant, 25 agriculteurs ont manifesté leur intérêt dans le Gard et en Lozère, des municipalités, des associations foncières… Un chantier école a déjà été organisé et 15 potentiels sites pilotes ont été recensés. Ce travail a pu être mené grâce à une subvention de la région Occitanie sur fonds européens, des départements du Gard et de la Lozère. D’autres financements seront nécessaires pour une installation des sites prévue à l’hiver 2023-24.

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